(c) La Roche Courbon

 

 

 

 

RECHERCHES & DECOUVERTES PREHISTORIQUES / ROCHE COURBON et VALLEE DU BRUANT




Page "GROTTE DU TRIANGLE" (mise en ligne en 2006)/

1° - Description de la "Grotte du Triangle".
2° - Historique des explorations.
3° - Ossements / lithique.
4° - La plaquette gravée ( nombreuses photographies ).
5° - Conclusion / Addenda / Bibliographie.


LIENS /

A - "Historique d'une découverte préhistorique" ( journal partiel des explorations ).
B - Les "inventeurs" ...
C - Des triangles dès le Paléolithique ?





II - Contexte géologique et karstique.

a / Géologie.
- Crétacé / Tertiaire / Quaternaire ...
- Structure et tectonique.

b / Karstologie.
- L'incidence de la fracturation.
- Un paléokarst réactivé ...
- L'envasement holocène.
- Macro et micro-spéléoformes.






III - Historique des recherches préhistoriques à La Roche Courbon et dans la Vallée du Bruant.

a / Les Grottes du Bouil-Bleu.
b / La Grotte du Château ou "du Sorcier".
c / La Grotte de La Baraude.
d / L'Abri de La Vauzelle.
e / La Grande Diaclase de La Vauzelle.
f / Les Grottes de la Flétrie.
g / Le Trou de la Salamandre.
h / La Grotte de Chez Coureau.
i / La Grotte des Piliers.





IV - De nouvelles découvertes.

a / La "Grotte du Triangle" et sa plaquette gravée.
b / Les nouvelles gravures de la Grotte du Bouil-Bleu.

( Page en cours / texte : Thierry LE ROUX et Yves OLIVET de R.S.A. 17 -
photographies : Thierry LE ROUX )








V - Lithique et occupation des sites.




 

 

 

 

IV - DE NOUVELLES DECOUVERTES ...

 

A / Grotte et plaquette gravée du "Triangle".



N.B. : de nombreuses illustrations se rapportant à cette section "A" sont
disponibles sur la page mise en ligne début 2006 ( logo triangulaire n°1 ).




1° / Découverte et recherches.

Dès 1985, dans le cadre d’un inventaire des grottes de Charente-Maritime, Thierry LE ROUX, Michel GUEFFIER et Xavier FUMET, membres de l’ Association de Recherches Spéléologiques de la Charente-Maritime » (alors basée à la mairie de Saint-Porchaire), réalisent un plan de la grotte principale et du boyau rocheux qui s’ouvre dans les éboulis extérieurs. En raison du nombre étonnant de vieux souliers ferrés abandonnés dans la cavité, ils la baptisent : « Grotte des Chaussures ». La chatière terminale n’est pas franchie et la présence d’ossements et de silex passe inaperçue.

En 1995, Yves OLIVET, au cours d’une prospection, recueille plusieurs ossements au voisinage de la grotte et un biface archaïque (moustérien ?) dans la zone d’entrée.

Le 8 août 2005, Yves OLIVET et Thierry LE ROUX se mettent en quête, dans ce secteur de la vallée du Bruant, du site reconnu 15 ans plus tôt. Les lieux ont beaucoup changé depuis la « tempête du siècle » (arbres abattus, ronciers, etc …) et les recherches n’aboutissent pas. Une grotte voisine est néanmoins repérée et, après désobstruction, livre une quinzaine de mètres de galeries vierges et quelques tessons de céramique.

Le mercredi 5 octobre 2005, la caverne est retrouvée. Dans la galerie principale ainsi que dans le laminoir terminal et le boyau s’ouvrant sous le chaos frontal, les "spéléos-archéos" constatent la présence diversifiée d’éclats de silex, d’ossements et de dents.

Les éléments lithiques représentent deux périodes : Moustérien ( petit biface archaïque, éclats levallois, éclats épais ) et Paléolithique supérieur ( plusieurs éclats laminaires ). Ossements et dents font référence à une faune pléistocène : Hyène, Cheval en quantité, Renne, Bovinés et même Ours. Un fémur et un métacarpe humain seront également identifiés.

Une nouvelle topographie est levée. L’examen du pierrier révèle l’existence d’une gravure sur une plaquette calcaire. De courts tracés et de possibles traces de pigments sont aperçus sur d’autres. Enfin, quelques blocs présentent des formes assez singulières.

Dans la « Galerie des Escargots », derrière une anfractuosité béant dans les éboulis d’un vaste porche effondré, une brèche compacte empâtant des ossements, des dents, et des éclats de silex est mise en évidence.

Décision est prise d’appeler la grotte « Grotte du Triangle », le non respect de la toponymie locale (lieu-dit «La Flétrie») pouvant aider à en garantir l’anonymat … donc l’intégrité. .

D’octobre 2005 à janvier 2006, après déclaration de la découverte auprès du Service Régional de l’Archéologie, une brochure ( « Site préhistorique et bloc gravé de la Grotte du Triangle » ) fait l’objet d’une diffusion limitée à quelques préhistoriens et nous permet de solliciter leurs avis. Tout comme une page internet, présentant de nombreuses photographies détaillées de la plaquette gravée, que nous éditons sur le site « Cavernes en Saintonge » ( www.cavernes-saintonge.info ).

Le 16 novembre 2005, nous accueillons une équipe d’archéologues du S.R.A. Poitou-Charentes sur le site. Le 11 octobre 2006, nous sommes reçus par des préhistoriens de l’Institut de Paléontologie Humaine et du Musée de l’Homme qui, après examen des gravures, en confirmeront l’origine paléolithique ( Magdalénien présumé, c.a.d. entre - 18000 et - 11000 ans B.P.).

De janvier 2006 à juin 2007, nous passons au peigne fin une grande partie des blocs du pierrier de la Grotte du Triangle. Nous prospectons également les rives Est et Ouest de la Vallée du Bruant et inventorions de nouvelles grottes ou abris « vierges ». Dans un même temps, nous soumettons les collections du Musée de Préhistoire de La Roche Courbon à une étude minutieuse.

En juillet 2007, avec l’accord du Service Régional de l’Archéologie, nous trions et entreposons à l’extérieur le pierrier qui encombre la Grotte du Triangle et la Galerie des Escargots.

 

 

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Bernard BOUDEAU et Jean-Marie THOMAS examinent de nouveaux blocs ...


 

 

2° / Description de la grotte.

Cette cavité, qui regarde vers le Nord-Ouest, se compose d’une galerie longue de 8 m et large de 3 m en moyenne. Un porche « en auvent » devait s’avancer au plus près de la vallée, comme en témoigne un plan de cassure franche précédé par une vaste zone d’effondrement. Une petite partie de la grotte reste encore accessible en lisière de ce seuil d’éboulis par l’intermédiaire de la « Galerie des Escargots ».

La genèse de cette cavité apparaît tributaire d’une petite diaclase trahie par un chenal de voûte et d’un joint de stratification décelable à l’interface de deux niveaux calcaires de textures différentes. Les parois présentent un revêtement de calcite grisâtre très ancienne formant localement quelques coulées et draperies dégradées ainsi que quelques concrétions coralliformes.

Un pierrier s’amoncelle contre la paroi de droite. Une chatière, désobstruée donne accès à un évasement transversal bloqué, sur la gauche, par une trémie rocheuse. Un laminoir prolonge, sur quelques mètres, l’axe principal. Mais son plancher consiste en de volumineuses dalles impossibles à déblayer en rampant et toute progression devient rapidement impossible.

 

 

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Le Bruant, à une centaine de mètres des grottes.


 

 

3° / Description de la plaquette gravée.

Elle fut découverte par Thierry LE ROUX et Yves OLIVET lors du dégagement de l’extrémité du pierrier entassé contre la paroi Sud-Ouest de la grotte, opération destinée à faciliter le franchissement du passage bas terminal.

Ce bloc mesure 260 mm sur 255 mm. La prise en compte de toutes les arêtes détermine un périmètre grossièrement hexagonal. Mais la forme d’ensemble peut également se définir comme celle d’un quadrilatère affecté de cassures sur ses deux coins supérieurs gauche et droit. L’épaisseur du bloc varie de 50 à 60 mm.

Cette plaquette est constituée d’un calcaire graveleux blanc-ocre du Coniacien provenant de la formation dans laquelle se développe la cavité. La face gravée offre une surface lisse, érodée, avec mise en relief de petits éléments fossiles insolubles. Cet aspect concorde avec un fragment de voûte ou de paroi détaché. Le revers du bloc montre des traces de corrosion et de calcification identiques à celles que l'on peut observer dans les décollements de strates de l'actuel plafond.

Deux types de représentations, imbriquées et très différentes, s’imposent à première vue. Un premier ensemble de traits, de 2 à 3 mm de largeur et 0,5 à 1 mm de profondeur, exécutés au moyen d’impacts coalescents (tantôt nettement visibles, tantôt estompés voire « colmatés » mais détectables en éclairage rasant ) forme un contour suggérant une tête d’équidé (ou de cervidé ?), impression renforcée par la présence de deux petites cavités dont la plus haute, de forme arrondie, pourrait correspondre à l’emplacement d’un œil.

Un tracé long de 270 mm descend ainsi du sommet de la tête jusqu’à la bouche, un dédoublement espacé de 6 à 7 mm et long de 160 mm créant un effet de perspective. La représentation d’un naseau semble tirer parti d’une protubérance de la roche, soulignée par deux courts tirets légèrement circonflexes. Une autre séquence d’impacts parallèles, longue de 45 mm, représente la bouche de l’animal. Un tracé incurvé, au départ colmaté par du sédiment, remonte ensuite en direction de la gorge. Les cinq derniers centimètres mettent nettement en évidence une autre suite d’incisions juxtaposées transversales à l’axe du sillon, avec formation de petites cupules en butée de l’outil. Le début de la gorge semble exploiter une concavité naturelle du rocher tandis qu’ à égale distance entre ce point et le haut de la tête existent une autre dépression ainsi qu’une sorte de structure orthogonale.

 

 

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A l’intérieur de ce contour et au niveau du trou évoquant un œil, se détache clairement une série de quatre structures triangulaires, l’une complète, les trois autres en partie effacées ou demeurées à l’état d’ébauches. Les traits, finement incisés, semblent obtenus par glissement et non par percussions successives.

Le triangle le plus net (et le plus complet) est pratiquement isocèle. La base (55mm) barre le profil présumé de tête sur presque la moitié de sa largeur. Les deux côtés égaux, dont l’un se développe parallèlement au front , mesurent chacun 60 mm. Un segment issu de l’angle du sommet (51°) rejoint un point du côté opposé pratiquement équidistant des deux autres angles (67° et 62°) : ce qui équivaut au tracé d’une hauteur (55 mm) perpendiculaire à la base.

Vingt millimètres au-dessus de cette base se succèdent quatre segments parallèles, espacés de 5 mm, reliant les deux autres cotés. Dans la zone inférieure droite du triangle s’insère une croix dont chaque extrémité coïncide avec un angle. L’autre espace trapézoïdal symétrique laissé libre à gauche de la « hauteur » est quant à lui marqué de trois traits parallèles obliques. Tangentiellement à la base du côté gauche de la hauteur et au fond d’une petite dépression se distingue une forme lenticulaire de 2 à 3 mm de diamètre. Un arrondi de taille similaire est délimité, juste sous la première barre transversale, par un trait reliant la hauteur du triangle à une branche de la croix.

En adossement à ce triangle orné , comme en arrière plan, se dévoile un triangle de même nature, mais plus sommaire ou effacé. L’angle du sommet (env. 61°) constitue le point de départ de deux segments : celui de droite, arrêté par le côté gauche du triangle voisin, mesure 30 mm, l’autre côté, sensiblement convexe, parcourt 40 mm jusqu’au tracé large inférieur. Une base de 20 mm referme la figure. Ce second triangle est également divisé par une ligne médiane issue du sommet et affiche deux segments parallèles transversaux légèrement obliques ralliant les côtés opposés. Notons enfin qu’en raccordant les sommets de ces deux triangles accolés on obtient un triangle équilatéral de 25 mm de côté.

Une troisième structure triangulaire apparaît sur la gauche, composée de deux côtés longs de 35 et 25 mm encadrant un angle de 63°, toujours pourvu d’une médiane (30 mm). Plusieurs lignes transversales obliques, rapidement interrompues, s’inscrivent du côté gauche.

Enfin, l’ébauche d’un quatrième triangle se profile sous le triangle le plus complet. Ne figurent que deux départs de côtés (15 mm et 45 mm) dont le plus long s’élance parallèlement au tracé inférieur d'un hypothétique menton. Et à nouveau, l’amorce d’une ligne médiane partageant un angle de 78° est conforme aux trois autres modèles.

 

 

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Cette oeuvre paléolithique sera prochainement exposée au
Musée de Préhistoire du Château de La Roche Courbon.


 

 

4° / Essai d'interprétation (par T.L.R.).

Ce bloc gravé associe des tracés de facture archaïque et une figuration géométrique (enchaînement de triangles et "chevrons" avec ornementation intérieure) caractérisée par sa finesse, sa complexité, sa régularité (formes, mesures, disposition).

Une prise en considération globale des tracés les plus larges conduit - sous toutes réserves - à y voir un profil droit de tête d’équidé. Mais ces traits ne pourraient constituer que les témoins fragmentaires d'une création plus étendue, aujourd’hui détruite ou dispersée. Cependant, deux combinaisons cheval / triangle et mammouth / triangle viennent d’être découvertes sur les autres pierres exposées au Musée de La Roche Courbon, ce qui rend plausible une exécution simultanée des dessins et symboles de la plaquette de la Grotte du Triangle.

Malgré les différences de technique de réalisation des tracés ( « buriné » ou « piqueté » pour le contour, « tiré » pour les triangles ), malgré l’opposition entre figuratif et symbolique, la disposition des formes tend à un certain équilibre, ce qui accrédite aussi leur contemporanéité.

Dans l'hypothèse d'une oeuvre magdalénienne, nous savons que cette culture coïncide, il y a environ 15 000 ans, avec l’émergence d’un riche répertoire de signes gravés ou peints : points, tirets, cercles, barbelés, chevrons, rectangles, quadrilatères cloisonnés dans les Cantabres, aviformes dans le Quercy, quadrilatères en « blasons » et tectiformes dans le Périgord, claviformes et ponctuations en Ariège, etc ...

Ces signes voisinent souvent avec des représentations animalières, et on relève certaines associations ou dissociations récurrentes. L’art magdalénien recourt ainsi à un éventail élargi de moyens d’expression : le figuratif et le décoratif pouvant côtoyer le schématique ou l’abstrait. Ce registre symbolique reste en quête d’interprétations : prémices de l’écriture, marqueurs ethniques ou claniques, compositions renvoyant aux mythes ou à une forme de spiritualité, actes rituels, emblèmes sexuels ? Quelque soit leur fonction exacte, ces graphismes devaient " faire sens " pour un groupe défini d’individus et dans un contexte déterminé.

L'existence de triangles gravés est très anciennement attestée : dès -80 000 ans dans la Grotte de Blombos en Afrique du Sud ! Mais elle se manifeste essentiellement au Paléolithique supérieur et en particulier au Magdalénien. Nonobstant les classiques " tectiformes " périgourdins, dont les plus élaborés s'apparentent plutôt à des pentagones (ex : Grotte de Font-de-Gaume), nous mentionnerons quelques exemples de figurations typiquement triangulaires. A la Grotte de La Marche (86), l'ornementation d'un bâton en os consiste en plusieurs séries de petits triangles vides (plus de 300 au total) qui jouxtent deux chevaux de Przewalski. Sur le même site fut découverte une incisive de jeune cheval gravée d'un triangle isocèle rempli de traits finement croisés ( l'extrémité très régulière de ce véritable treillage détermine une base qui n'a plus besoin d'être incisée). Dans la Grotte de Bois Ragot (86), un galet calcaire porte un triangle possédant deux côtés égaux, décoré de lignes sub-parallèles à ces derniers. Aux Combarelles, en Périgord, le corps d'un cheval est traversé de dessins triangulaires et à Bernifal, un triangle ovalisé (sommets arrondis), aux proportions remarquablement régulières, se superpose à un tectiforme d'allure beaucoup plus archaïque.

La nouvelle gravure de La Roche Courbon n'est d'ailleurs pas sans rappeler les tectiformes (assimilés à des "huttes") des Combarelles et de Font-de-Gaume ( ou encore de Rouffignac ) : lignes médianes partageant en deux les triangles et " chevrons ", présence d'une croix et de traits obliques dans chaque moitié. Mais l'originalité de cette œuvre réside dans le caractère spécifiquement triangulaire de la figure principale, et dans son impressionnant degré de précision, de géométrisation. L'organisation du triangle principal ( " isocélie ", symétries, régularité dans la répétition de motifs ) reflète une quête quasi-mathématique d'harmonie, nous confronte à un vrai travail de structuration de figure doublement riche de sens : un sens explicite lié à une dimension artistique et à une probable fonction de communication, mais aussi un sens implicite que l'on imagine en rapport avec une sorte de "pré-conscience" de la "géométrie" comme mode d'expression " privilégié " … pour ne pas dire " universel ". Ce document préhistorique unique, préservé par 15 000 ans d'oubli souterrain, semble ainsi illustrer une pensée de Galilée : " L'univers est écrit dans le langage des mathématiques, et ses lettres sont des triangles, des cercles et d'autres formes géométriques, sans lesquelles il est impossible à l'homme de comprendre un seul mot. Si l'on ne dispose pas de ce langage, on erre … dans un labyrinthe obscur. "

 

 

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Cette oeuvre paléolithique sera prochainement exposée au
Musée de Préhistoire du Château de La Roche Courbon.


 

 

 

 

B / Les plaquettes gravées de la Grotte du Bouil-Bleu " revisitées " ... ( par T.L.R. ).


Les plaquettes gravées exposées au musée archéologique du Château de la Roche Courbon sont considérées comme les œuvres d'art les plus anciennes de la région Poitou-Charentes. La « plaquette aux mammouths » figure dans de nombreux ouvrages d’histoire départementale ou régionale et, sauf exception, les auteurs entérinent systématiquement l’origine aurignacienne qui lui fut assignée par l’Abbé Breuil en 1927 :

- La Charente-Maritime, l’Aunis et la Saintonge des origines à nos jours / Ed. Bordessoules 1981 : « Les premières œuvres d’art en Saintonge. Notre département n’a pas encore livré de grottes à peintures ou gravures, ni de bas-reliefs comparables à ceux de Charente ou de Dordogne. Quelques plaquettes de calcaire gravé ont été trouvées dans la grotte de La Roche Courbon. Elles sont ornées de figurations schématiques d’interprétation malaisée. Pour modestes qu’elles puissent paraître, ces œuvres sont de précieux témoins de préoccupations religieuses que nous connaissons encore mal. » Illustration : « Plaquette gravée de la Roche Courbon. Figuration d’un mammouth. Paléolithique supérieur. Vers 25000 av J.-C. »

- Histoire du Poitou et des Pays charentais / Ed. De Borée 2001 : « Dans l’art mobilier, les plaquettes de pierre gravées occupent une place de choix par la qualité des figurations. Les plus anciennes, attribuées à l’Aurignacien, d’une grotte de La Roche Courbon, portent des images épurées, dont une de mammouth. »

- L’Art préhistorique du Poitou-Charentes / Ed. maison des roches 2001 : « Ces œuvres sont les plus anciennes connues à ce jour en Poitou-Charentes. Il s’agit de blocs de calcaire, très fortement rubéfiés par l’hématite, comme c’est toujours le cas dans l’Aurignacien ancien pour les niveaux et les vestiges qu’ils contiennent. »

1° / La « pierre à dessins ».

En novembre 1924, Marcel CLOUET annonce, dans le Bulletin de la Société des Archives Historiques de Saintonge et d’Aunis, sa « trouvaille faite au cours d’une excursion dans une des grottes préhistoriques de la Roche Courbon », d’une première pierre plate à dessins. Il précise : « Elle avait été mise en surface par des fouilleurs inexpérimentés qui ont bouleversé en ce point une partie des gisements ; elle avait été brisée en deux parties, nous avons heureusement pu retrouver les deux morceaux. »

Cet objet mesure 37 cm sur 31 cm pour une épaisseur variant de 2 à 6 cm. Il offre une surface polie qui pourrait résulter d’une utilisation comme meule à malaxer de l’ocre rouge ( hématite ). Marcel CLOUET souligne ainsi que les traits les plus profondément incisés étaient, aussitôt la découverte, « enduits de couleur rouge qui disparut sous le lavage ».

L’Abbé BREUIL attribua un âge aurignacien à cette œuvre, y "authentifiant" une « série emboîtée de mammouths grossièrement exécutés ». Les tracés curvilignes principaux sont tirés d’un seul jet et profondément incisés. Juxtaposés et décalés, les profils de mammouths créent l’impression d’un troupeau en marche avec un léger effet de perspective. La partie gauche de la plaquette revêt de nombreux tracés courts et légers formant un quadrillage irrégulier, d’amples lignes courbes croisées où Marcel CLOUET conjecturait deux poissons, enfin plusieurs tracés larges et profonds non interprétables. On relève enfin de nombreux impacts d’outils formant de petites cupules approximativement alignées.

Un petit animal ( ours ? ), d’une détermination difficile mais très visible, est figuré en bas-relief vers le bas du pied de derrière du pachyderme. Etonnamment, la mention par Marcel CLOUET de cette ronde bosse animalière ne fut jamais reprise par les auteurs du XXème siècle.

 

 

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Cette oeuvre paléolithique est actuellement exposée au
Musée de Préhistoire du Château de La Roche Courbon


 

 

2° / La « plaquette rubéfiée ».

Si, en 1924, Marcel CLOUET ne fait référence qu’à une seule « pierre à dessins », un nouvel article paru dans la même revue ( S.A.H.S.A. ) en 1926 fait état de « trois pierres plates » à gravures. Il en donne une description qu’il reprendra, presque mot pour mot, en 1933, dans « L’Aunis et la Saintonge des origines à la Guerre de Cent Ans », ouvrage élaboré sous la direction de L. CANET, Inspecteur d’Académie, puis, en 1934, dans un article paru dans les annales du 11ème Congrès Préhistorique de France qui se tint à Périgueux.

La seconde plaquette, à l’évidence fragmentaire, mesure 33 cm sur 16 cm pour une épaisseur de 5 cm environ. Très rubéfiée, elle présente une demie concavité ovoïde plus intensément teintée par l’hématite, deux profondes dépressions lenticulaires, ainsi que plusieurs groupes d’impacts. Un inextricable lacis de traits, comportant plusieurs séquences parallèles, en affecte la surface. A une extrémité, quelques sillons profonds figurent deux profils imbriqués d’antérieurs de mammouths.

A l’aplomb des animaux, nous avons décelé un triangle jusqu’alors inédit, dont la facture et la composition rappellent celui découvert dans la Grotte du Triangle. Cette identité de registre thématique a fait l’objet d’une confirmation de la part des spécialistes du Musée de l’Homme.

Le triangle de la plaquette rubéfiée possède deux côtés de 83 mm et 88 mm et une base de 61 mm. Le milieu de cette base est, à 2 mm près, le point de départ d’une hauteur de 79 mm qui s’élève jusqu’au sommet opposé. Comme sur la plaquette découverte dans la Grotte du Triangle, on discerne une dizaine de traits parallèles transversaux, tantôt perpendiculaires à la ligne médiane, tantôt légèrement obliques, espacés de 5 à 6 mm.

 

 

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Cette oeuvre paléolithique est actuellement exposée au
Musée de Préhistoire du Château de La Roche Courbon


 

 

3° / La petite pierre "aux graffiti".

Cette pierre provient du même « recoin » rattaché à un des couloirs qui s’échappent du porche principal. Curieusement, depuis 1934, aucune publication n’en a jamais refait mention.

Marcel CLOUET la qualifiait ainsi : « rugueuse, elle porte de très légers graffiti qu’on ne saurait interpréter. Ils paraissent surtout sous une certaine inclinaison. Un dépôt argilo-siliceux formant une gangue très résistante sur la partie centrale de la pierre ainsi que les aspérités de la roche empêchent toute interprétation des traits. »

Cet objet, de dimension décimétrique, présente des tracés dont l’organisation a tout de suite attiré notre attention. Nous y avons reconnu une tête d’équidé qui se confond avec une représentation symbolique : encore un petit triangle - ou un petit "chevron" - coupé par une ligne médiane et barré de lignes transversales sub-parallèles. Cette analyse est depuis validée et précisée par les préhistoriens : il s’agit bien d’une tête de cheval au profil dit « en bec de canard » associée à la thématique triangulaire que nous rencontrons sur deux autres plaquettes de la Vallée du Bruant .

La conception stylistique de cette tête de cheval pourrait faire référence au Gravettien ( aux alentours de - 25 000 ans ) plutôt qu’à l’Aurignacien ou au Magdalénien. Tout d’abord au niveau des contours qui ne sont pas étroitement assujettis à l’observation (quelle que soit la performance de l’artiste) mais qui semblent dépendre d’un code géométrique préétabli. La pointe très accusée formée par la jonction du cou et de la ganache ( ou de la mâchoire ) est en cela révélatrice de l’art gravettien. On la retrouve, entre autres lieux, dans la Grotte de Pair-Non-Pair en Gironde, dans celle de Cussac en Dordogne, à Gargas dans les Hautes-Pyrénées.

Autre trait symptomatique gravettien : l’absence de liaison systématique entre les contours et leurs intersections, ce qui se traduit souvent par l’interruption du tracé au croisement de la crinière et du front. Cette convention économe qui affirme l’autonomie de la ligne, peut-être pour mieux mettre en valeur les différentes parties anatomiques, se manifeste sur un panneau gravettien de la Grotte Chauvet en Ardèche, dans la Grotte de Mayenne-Sciences, dans la Grotte d’El Moro en Espagne, dans la Vallée du Côa au Portugal, et bien d'autres sites gravettiens ...

Le traitement du petit cheval de La Roche Courbon repose donc en grande partie sur des lignes géométriques, schématiques, qui fusionnent facilement avec un petit élément symbolique à caractère triangulaire. Nous sommes ici en présence d’un art paléolithique beaucoup plus "artificiel" que réaliste …



Ainsi, sur trois pierres gravées découvertes à 80 ans d'intervalle, dans les Grottes du Bouil-Bleu et du Triangle, on retrouve un même symbolisme à base de curieux triangles ornés, symbolisme dont l'originalité et le sens mystérieux sont peut-être propres à la préhistoire de notre petite vallée saintongeaise.

L'origine aurignacienne ( entre - 35 000 et - 27 000 ans ) des gravures du Bouil-Bleu se trouve remise en question par l'identité thématique de ses figurations " géométriques " avec celles de la nouvelle plaquette découverte dans la Grotte du Triangle, attribuée au Magdalénien et donc théoriquement plus jeune de 10 à 20 000 ans. Cette révision n'offre aucun caractère péjoratif quant aux blocs déjà exposés au musée mais pose au contraire de passionnantes questions : des plaquettes séparées par la nuit des temps peuvent-elles reproduire des motifs géométriques similaires ou doit-on envisager de les re-situer dans un même contexte chronologique intermédiaire : peut-être aux confins du Gravettien ?

 

 

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Cette oeuvre paléolithique est actuellement exposée au
Musée de Préhistoire du Château de La Roche Courbon





 

 

 

 

Une bibliographie concernant les pages II / IV / V sera publiée en fin de page V.

N.B. / Dans cette série d'articles, les citations ( textes des archéologues des années 1920 ou 1950 ) ne sont parfois plus conformes aux terminologies scientifiques actuelles ( notamment en ce qui concerne les outils préhistoriques ).

 

 

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